Les abus sexuels commis par les soldats de l'ONU et les travailleurs
humanitaires restent impunis. Une ONG dénonce. Et appelle la communauté
internationale à agir enfin.«Ils m'ont attrapée, jetée à terre, violée l'un après l'autre. Je
voulais m'enfuir, mais ils étaient dix. J'étais terrifiée. Quand ils
ont terminé, ils m'ont abandonnée là, baignant dans mon sang...»
Elisabeth* n'avait que 12 ans, en juin dernier, lorsque son chemin a
croisé celui des Casques bleus pakistanais. Pour son plus grand
malheur. Les soldats de l'ONU effectuaient une mission de «maintien de
la paix» en Côte d'Ivoire. Dans le village de la fillette, on affirme
que les militaires n'ont jamais été inquiétés.
Le récit bouleversant d'Elisabeth n'est qu'un des trop nombreux témoignages recueillis par l'ONG britannique
Save The Childrenau cours des douze derniers mois. A en croire le rapport publié hier,
des abus sexuels sont commis régulièrement par des Casques bleus, mais
aussi par des travailleurs humanitaires.
Il ne s'agit pas toujours de
viols. Affamés, des enfants sont contraints de vendre des faveurs
sexuelles contre de la nourriture ou du savon dans des zones dévastées
par la guerre ou des catastrophes naturelles. Surtout en Côte d'Ivoire
et en Haïti. Les petites victimes ont parfois à peine 6 ans! «Notre
enquête met au jour les actes ignobles d'un petit nombre de personnes
qui abusent les enfants les plus vulnérables au monde, qu'ils sont
supposés protéger», dénonce à Londres la directrice de
Save The Children, Jasmine Whitbread. L'ONG affirme qu'on trouve de tels «prédateurs» dans toutes les organisations.
L'Afrique à vendre? Elle estime que les politiques de «tolérance zéro» n'ont pas été
traduites sur le terrain. L'impunité serait totale. C'est pourquoi
Save The Children appelle
d'urgence les acteurs internationaux à faciliter le dépôt de plaintes,
afin de pouvoir sanctionner sévèrement les coupables et apporter un
soutien aux victimes...
«Déposer
plainte? Mais la plupart des victimes ne le feront jamais! Les abuseurs
sont ceux dont elles dépendent pour se nourrir», objecte un humanitaire
onusien sous le couvert de l'anonymat. «La vérité, c'est qu'il faut
être extrêmement solide pour faire ce boulot. Vous n'imaginez pas comme
la tentation est forte. Le continent noir est si vulnérable... Toute
l'Afrique est à vendre! Dans les zones d'intervention internationale,
les gens sont traumatisés. Les pires abus sont commis à l'intérieur
même des familles et des communautés. Il n'y a plus ni bien ni mal.
Alors si les Casques bleus n'ont pas une sérieuse formation aux droits
de l'homme, s'ils n'ont pas été choisis pour leur droiture, s'ils ne
sont pas régulièrement envoyés en «décompression» dans une grande ville
où ils peuvent accéder à la prostitution «légale», alors certains
succombent à leurs pires fantasmes.»
«Quant
aux humanitaires, ne les croyez pas à l'abri de leurs pulsions!»
poursuit notre interlocuteur. «Les internationaux gagnent 15 à 20 fois
plus que leurs collègues locaux, qui comptent pour 90% des employés.
Ceux-ci sont recrutés au sein de cette population traumatisée. Ils sont
engagés sur des contrats de courte durée. L'avenir n'est jamais assuré.
Pour beaucoup, la motivation humanitaire est secondaire, la corruption
banalisée et le vice à portée de main. Voilà les problèmes à résoudre.
Il serait temps de les affronter.»
Elisabeth est un prénom d'empruntSource : la tribune de genève