Le conseil constitutionnel a annoncé jeudi (1er mars 2007) avoir censuré quatre dispositions de la loi réformant la justice, parmi lesquelles deux mesures phares que sont la création d'une nouvelle faute disciplinaire pour les magistrats et la saisine du médiateur de la République par les justiciables.
Le ministre de la Justice, Pascal C., "prend acte de la censure" qui vide son texte, très contesté par les professionnels du droit et par la gauche, d'une partie de son essence.
C'est un revers pour le ministre de la Justice qui s'était personnellement engagé à réformer la justice après le fiasco de l'affaire d'Outreau, alors même que la commission d'enquête avait préconisé une réforme d'envergure, portée par tous les partis, en début de la nouvelle législature.
Le texte, adopté par le Parlement le 22 février dernier, prévoyait notamment qu'un magistrat puisse être sanctionné en cas d'une "violation grave et délibérée d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle du droit des parties, commise dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive".
Une disposition qui avait été ajoutée par voie d'amendement, alors qu'une précédente rédaction avait été critiquée par le Conseil d'Etat. La dernière version a finalement été censurée par « les Sages » de la rue Montpensier.
"Si le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire (...) et celui de la séparation des pouvoirs (...) n'interdisent pas au législateur organique d'étendre la responsabilité disciplinaire des magistrats à leur activité juridictionnelle", ils empêchent selon les neuf Sages "l'engagement de poursuites disciplinaires" si "la violation" n'a pas été "préalablement constatée par une décision de justice devenue définitive".
En clair, les juges chargés de juger l'affaire concernée, soit au tribunal, à la cour d'appel ou à la Cour de cassation, doivent constater dans leur décision qu'il y a eu des dysfonctionnements ou des violations de la procédure pour qu'une sanction du magistrat concerné soit envisageable.
Une restriction importante, unanimement saluée par les syndicats de magistrats, très hostiles à la création d'une nouvelle sanction disciplinaire.
Le Conseil constitutionnel a également censuré l'article qui prévoyait la possibilité pour toute personne de saisir d'une réclamation le médiateur de la République lorsqu'elle considérait, à l'occasion d'une affaire la concernant, que le comportement d'un magistrat constituait une faute disciplinaire.
Les Sages ont invoqué l'indépendance des juridictions pour justifier l'impossibilité de "tout empiétement d'autorités administratives sur une procédure" juridictionnelle".
Deux autres articles de la loi portant sur les procédures de nomination de magistrats ont également été censurés.
"Le Conseil constitutionnel met en pièces la réforme, pourtant fort timide, de la justice, proposée par le gouvernement Dominique de V./Nicolas S.", a réagi Jack L., conseiller spécial de la candidate socialiste Ségolène R., dans un communiqué. "Il sanctionne ainsi l'amateurisme et l'impéritie d'une équipe incompétente. De l'émotion d'Outreau, il ne restera rien ou presque rien"