Le projet de loi sur la récidive adopté par les députés
Rachida Dati l'avait défendu mardi, le voilà adopté. Les députés ont voté mercredi soir en faveur du projet de loi de Rachida Dati sur la lutte contre la récidive, qui crée des peines plancher pour les récidivistes et écarte, dans certains cas, "l'excuse de minorité" pour les mineurs de plus de 16 ans. Le projet, très critiqué par les syndicats de magistrats et les travailleurs sociaux, a été voté par 144 voix (UMP et Nouveau Centre) contre 93 (socialistes, PCF et Verts).
Déjà adopté au Sénat début juillet, le projet de loi examiné selon la procédure d'urgence (une seule lecture par assemblée) doit être soumis à une commission mixte paritaire (CMP, sept sénateurs, sept députés) pour une adoption définitive. Il correspond à un engagement fort de Nicolas Sarkozy pendant la campagne électorale, permettant de juger ces mineurs comme les majeurs "si les circonstances de l'espèce et la personnalité du mineur le justifient". L'excuse de minorité, qui divise de moitié la peine encourue, peut également être écartée dès la première récidive de certains crimes (comme le meurtre) ou délits (violences volontaires, agressions sexuelles, vol avec violences). Dans ces deux cas, la décision doit être motivée. En cas de nouvelle récidive de ces dernières infractions, l'excuse de minorité ne s'applique pas, mais la juridiction peut toutefois en décider autrement.
Des amendements sur le texte du Sénat
Lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy s'était déjà battu afin de supprimer l'excuse de minorité pour les récidivistes de 16 à 18 ans, estimant qu'ils devaient être "punis comme s'ils étaient majeurs". Mais le Premier ministre Dominique de Villepin avait refusé que son ministre l'inscrive dans son projet de loi sur la délinquance, voté en février 2007. Dans la nuit de mardi à mercredi, les députés avaient entériné l'instauration de peines planchers pour les récidivistes. Pour les délits, la peine minimale est d'un an si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement, deux ans pour cinq ans, trois ans pour sept ans et quatre ans pour dix ans.
Pour les crimes, la peine minimale en cas de récidive est de cinq ans si le crime est punissable de quinze ans de réclusion, sept ans pour vingt ans, dix ans pour trente ans et quinze ans pour les actes encourant la réclusion à perpétuité. Pour les crimes comme pour les délits, des peines inférieures peuvent toutefois être prononcées dans des circonstances exceptionnelles tenant compte par exemple de "la personnalité" du récidiviste ou "de ses garanties d'insertion ou de réinsertion".
Dati gagne en assurance
Par ailleurs, les députés ont supprimé une disposition introduite au Sénat obligeant le procureur à faire une enquête de personnalité avant de requérir des peines en état de récidive. "Le procureur a l'opportunité de la faire. Aujourd'hui si nous la mettons systématiquement pour les récidivistes, cela suppose que pour les primo-délinquants nous ne pourrons pas en bénéficier de manière systématique", a justifié Mme Dati, arguant de problèmes de moyens financiers.
L'Assemblée a en outre supprimé l'obligation faite à la juridiction qui prononce la peine "d'avertir le condamné des conséquences d'une nouvelle condamnation" en état de récidive. Votée à l'instigation des sénateurs, cette disposition est laissée à l'appréciation du président de la juridiction. Durant tout l'après-midi, l'opposition de gauche a mené la charge contre le texte, multipliant rappels au règlement, suspensions de séance et demandes d'explication à la ministre. Peu loquace dans un premier temps, Mme Dati a gagné peu à peu en assurance, trouvant parfois "intéressantes" des propositions socialistes concernant l'ordonnance de 1945 qu'elle entend "revoir plus globalement".